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Interview de Flora Jimenez. Seinpristi : Une galerie itinérante pour ré-insérer l’allaitement maternel au cœur de l’espace public

Interview de Flora Jimenez. Seinpristi : Une galerie itinérante pour ré-insérer l’allaitement maternel au cœur de l’espace public

Flora, comment est née l'idée de Seinpristi et quel a été le déclic personnel ou professionnel qui vous a poussé à lancer ce projet?

J'ai eu la chance de pouvoir allaiter partout où je le souhaitais, mais cela n'a pas toujours été simple à assumer, et j'ai parfois dû essuyer des remarques, voire des agressions telles que : 'Hum, moi aussi je prendrais bien votre sein, madame.'

Accompagnant l'allaitement depuis 2018, j'ai observé un vrai changement après la Covid. Certaines mères que j'avais accompagnées pour leur premier enfant, qui allaitaient librement n'importe où, préféraient maintenant se restreindre à l'espace familial, s'isolant socialement ou ayant recours à la complémentation pour les sorties extérieures, au risque de compromettre leur allaitement et de provoquer un engorgement, voire une mastite.

La problématique de fond concernant l'espace public n'est pas l'allaitement en lui-même, mais la vue d'un sein. La poitrine des femmes étant hypersexualisée, sa vue dérange. Nous avons oublié la fonction nourricière des seins. L'objectif premier de Seinpristi est de rappeler que nos seins sont nourriciers, que l'allaitement est quelque chose de banal et normal, et ainsi permettre aux femmes de reprendre une vie sociale et de nourrir leur bébé simplement dès que le besoin s'en fait ressentir.

En tant que formatrice et accompagnante en allaitement maternel, quels sont les défis les plus fréquents que vous observez chez les mères qui souhaitent allaiter en public?

Le regard. Certaines femmes sont très pudique et ne souhaite pas s'exposer, pour d'autre, c'est parfois l'entourage qui leur demande de s'isoler et quand c'est la pratique familiale, c'est à dire que toutes les sœurs, belle sœurs l'ont fait avant, c'est compliqué de s'imposer et de vouloir faire autrement. Enfin les cas qui moi me mette en colère et qui existe encore c'est parfois l'interdiction du conjoint "mon mari ne souhaitent pas que j'allaite en public". Le droit des femmes à disposer librement de leur corps à encore du chemin à faire.

Pouvez-vous nous expliquer comment la galerie itinérante Seinpristi utilise la photographie et les témoignages pour changer la perception publique de l'allaitement en public?

Ce que nous n'avons pas l'habitude de voir dérange. Or, aussi banal que l'acte d'allaiter puisse être, dans notre société à la culture biberon, combien de femmes avez-vous déjà vues allaiter ?

La photographie va permettre d'habituer le regard à l'acte d'allaiter. Le choix d'exposer via des formats plus petits permet d’aborder le sujet avec davantage de délicatesse et de douceur. L'objectif est d’habituer progressivement le regard des visiteurs, en les plaçant d’abord dans une posture de curiosité ou de surprise, puis petit à petit vers une sensation plus commune ou banale.

Les témoignages audio permettent d'aller encore plus loin en immergeant les spectateurs dans la réalité de ces mères. Chaque histoire d'allaitement est unique pour chaque duo mère-enfant, mais elle est rarement anodine.

Quel impact espérez-vous voir sur la société grâce à Seinpristi, notamment en ce qui concerne la stigmatisation de l'allaitement dans les lieux publics?

J'espère que demain chaque femme se sentiras libre d'allaiter où bon lui semble et que plus jamais aucune d'entre elle ne sera entravé dans ce droit.

L'intégration de l'exposition dans des lieux de vie comme des cafés et bibliothèques est essentielle à votre approche. Comment choisissez-vous ces lieux et quel retour avez-vous reçu de ces communautés?

J'ai la chance d'avoir de nombreuses femmes qui se joint à moi sur le projet. Ce sont déjà plus d'une vingtaine de femme qui ont fait dont de leur portrait, et plusieurs autres qui se propose aujourd'hui de m'aider à faire circuler la galerie. A l'exception de ma région ce n'est pas moi qui choisi les lieux d'exposition, ce sont des femmes, généralement de ma communauté instragram qui me contacte pour faire venir la galerie dans leur ville. C'est donc elle qui me propose des lieux et nous échangeons ensemble sur leur pertinence. Pour moi l'important c'est que le lieu ait un impact, globalement tous lieu qui ait un passage de public, café, mairie, salle d'attente.
L'exposition vient tous juste de commencer, pour l'instant j'ai des retours très positifs.

Avec votre projet qui prend une dimension internationale, comment adaptez-vous votre message et votre approche aux différentes cultures vis-à-vis de l'allaitement en public?

Pour l'instant je n'en suis pas encore là. Dans une premier temps c'est un tour de France qui est envisagé même si j'ai déjà eu une demande pour la Suisse. Quand ce sera le cas je vais surtout échanger avec les personnes qui porteront le projet en locale, c'est ensemble que nous trouverons comment communiquer.

Quels sont vos objectifs à long terme pour Seinpristi et comment envisagez-vous de mesurer le succès de cette initiative dans les années à venir?

Actuellement, la galerie compte 36 portraits, et j'aimerais atteindre 100 portraits d'ici la fin 2025, afin qu'elle puisse être exposée dans de grandes villes comme Lyon, Paris, Marseille...

Je ne suis pas sur qu'il soit possible de 'mesurer le succès'. Pour moi, chaque remerciement d'une mère, chaque lieu qui accepte d'accueillir l'exposition, et chaque article intéressé, comme le vôtre, est déjà un succès. Plus ces moments se multiplieront, plus l'allaitement sera visible, que ce soit à travers les mères elles-mêmes, les photos, les médias ou les vidéos, plus l'impact sera grand.

Le véritable succès de Seinpristi, ce sera le jour où cette exposition n'aura plus de raison d'être, parce que l'allaitement sera redevenu une pratique normale et évidente dans l'espace public, sans qu'aucun jugement ne soit porté.

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