Vanessa, pourriez-vous nous raconter ce qui vous a poussé à devenir coach en recomposition familiale et comment votre propre expérience personnelle a influencé votre approche dans ce domaine ?
J' ai vécu une séparation il y a 10 ans. Cet événement m’a confrontée à des défis que je n’avais pas anticipés, malgré mon expertise juridique en tant qu’avocate.
En effet, exerçant dans le domaine du droit de la famille, conseillant des parents en pleine rupture, les aidant à structurer leur nouvelle organisation de vie, je pensais maîtriser l essentiel pour bien vivre ma séparation.J’avais une vision juridique et pragmatique des choses, mais ma propre séparation m’a fait comprendre à quel point l’aspect émotionnel et humain était tout crucial.
La loi encadre, mais elle ne répare pas les blessures, elle ne donne pas les clés pour mieux vivre les changements, elle ne prépare pas à la co-parentalité ou au rôle de beau-parent.
Pendant des années, j’ai exercé en tant qu’avocate en droit de la famille. J’étais aux premières loges des séparations, des conflits, des négociations de garde, des batailles juridiques qui laissent souvent des traces profondes. Mais au fil du temps, j’ai ressenti une perte de sens. Certes, j’apportais des solutions juridiques, mais je voyais aussi leurs limites. Un jugement ne suffit pas à apaiser les tensions, il ne prépare pas à la co-parentalité, il ne protège pas toujours les enfants des conflits.
Une séparation mal gérée et une séparation qui fait des dégâts.Les blessures émotionnelles, les tensions qui persistent, les enfants pris au milieu des désaccords, parfois instrumentalisés malgré l’amour qu’on leur porte. Trop souvent, j’ai vu des parents épuisés, enfermés dans la rancœur, et des enfants en souffrance, tiraillés entre deux mondes.
J’ai compris une chose : un parent séparé qui va bien =un enfant qui va bien.
J’ai quitté la robe pour accompagner autrement, avec une approche plus globale. Mon objectif aujourd’hui est d’aider les parents séparés et les beaux-parents à retrouver un équilibre, à mieux communiquer, à sortir des conflits pour construire une parentalité apaisée.
Devenir parents ça s apprend mais parents séparés et beaux parents également !
Comment définissez-vous la bienveillance et la sérénité dans le contexte d'une séparation familiale, et quels outils spécifiques utilisez-vous pour aider vos clients à atteindre cet état d'esprit ?
séparation
La sérénité après une séparation ne signifie pas l’absence de douleur, de doutes ou de difficultés. C’est un état d’apaisement qui se construit progressivement, où l’on accepte la situation sans être submergé par les émotions négatives.
C est ne plus avoir peur des conséquences de nos actions.
Les outils qui peuvent être utilisés sont: l auto observation, l écriture,se recentrer sur soi,…
Ce sont des exemples mais il n’existe pas de recette universelle pour retrouver un équilibre familial après une séparation. Chaque famille, chaque individu a son propre parcours, ses propres valeurs, son propre rythme.
L’équilibre se construit donc sur mesure, avec des ajustements progressifs. Mon rôle en tant que coach est d’accompagner chaque parent séparé et beau-parent dans cette démarche, en l’aidant à identifier ce qui est juste et viable pour lui, pour son ex-conjoint et surtout pour ses enfants.
Dans votre podcast 'Pour le Meilleur', vous mettez en avant la reconstruction après une séparation. Pouvez-vous partager une histoire inspirante issue de votre parcours où une famille a réussi à recréer un équilibre harmonieux ?
Quand Julien (nom modifié) est venu me voir, il était en détresse. Père d’une fille de 11 ans, il se sentait piégé dans un conflit qui le dépassait. Sa séparation avait été tendue, et la recomposition familiale n’avait fait qu’ajouter des tensions. Entre son ex-compagne, sa nouvelle conjointe et sa fille, il ne savait plus comment agir.
Un jour, sa fille lui a dit qu’elle ne voulait plus venir chez lui. Une phrase qui l’a bouleversé. Il l’adorait, il faisait tout pour elle… Pourquoi cette distance soudaine ? Il s’est senti trahi, blessé, et très vite, la colère a pris le dessus. Il était convaincu que son ex lui montait la tête contre lui. Pris dans l’émotion, il a saisi le Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour forcer son droit de visite. Mais à l’audience, sa fille a réaffirmé son refus. Un coup dur.
Quand il m’a consultée, il oscillait entre résignation et rage. Il aimait sa fille, mais se demandait s’il ne devait pas prendre du recul et la laisser décider. Il était persuadé qu’en l’écoutant, il lui prouvait son amour, mais en même temps, il ne comprenait pas son rejet et en souffrait profondément.
Lors de notre échange, je l’ai aidé à prendre du recul :
• Ne plus voir le refus de sa fille comme une attaque personnelle : À 11 ans, un enfant ne manipule pas, il exprime un mal-être.
• Comprendre son conflit de loyauté : Sa fille était tiraillée entre lui et sa mère, et probablement aussi avec sa belle-mère. Elle ne voulait blesser personne et choisissait, inconsciemment, la solution la plus simple pour elle à ce moment-là.
• Adopter une autre posture : Plutôt que d’insister ou de la contraindre, il devait lui laisser de l’espace, lui montrer qu’il restait là pour elle, sans pression.
Julien a changé d’approche. Il a envoyé un message simple et sincère à sa fille, lui disant qu’il comprenait son besoin de distance mais qu’il restait là, qu’il l’aimait et qu’elle pourrait revenir vers lui quand elle le souhaiterait.
Sa fille a été surprise. Elle s’attendait à des reproches, à de la colère. À la place, elle a reçu une preuve de respect et d’amour inconditionnel. Peu à peu, la communication s’est rétablie. Un jour, elle lui a proposé de se voir pour un goûter. Puis une sortie. Petit à petit, ils ont retrouvé leur complicité. Aujourd’hui, elle revient chez lui régulièrement.
En tant que coach, quelle est la principale difficulté que vous rencontrez chez les familles recomposées, et comment parvenez-vous à transformer les tensions en un dialogue constructif ?
La première difficulté rencontrée dans une famille recomposée est souvent la place de chacun. Quand une nouvelle famille se forme, les rôles sont bouleversés, les repères changent, et chaque membre doit s’adapter à une nouvelle dynamique.
Si chacun ne trouve pas sa place de manière sereine, des conflits apparaissent rapidement :
• Le parent peut se sentir déchiré entre son enfant et son conjoint.
• Le beau-parent peut se sentir rejeté ou impuissant.
• Les enfants peuvent se replier sur eux-mêmes ou exprimer leur malaise par des comportements conflictuels.
La solution ? Une communication claire, du temps pour s’apprivoiser, et surtout, accepter que l’harmonie ne se construit pas du jour au lendemain.
Comment le développement personnel et la résilience peuvent-ils contribuer à réinventer la séparation, et quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui se sent encore perdu après une séparation ?
Se séparer, c’est voir une partie de sa vie basculer. Entre la douleur, les doutes et la peur de l’avenir, il est normal de se sentir perdu. Voici quelques clés pour traverser cette période avec plus de sérénité .
1. Accueillir ses émotions sans se juger
La tristesse, la colère, la peur, la culpabilité… Toutes ces émotions sont légitimes. Plutôt que de les refouler ou de vouloir aller trop vite, acceptez-les. Écrire dans un journal, parler à une personne de confiance ou consulter un professionnel peut aider à les traverser sans s’y noyer.
2. Accepter que le flou fait partie du processus
Après une séparation, on perd ses repères et on a souvent l’impression de ne plus savoir qui l’on est. C’est normal. Il faut du temps pour reconstruire une nouvelle identité en dehors du couple. Ne cherchez pas à tout maîtriser immédiatement, mais avancez pas à pas.
3. Se recentrer sur soi
Prenez le temps de vous retrouver :
• Faites des activités qui vous font du bien.
• Remettez-vous en contact avec vos passions ou découvrez-en de nouvelles.
• Entourez-vous de personnes positives qui vous soutiennent.
4. Sortir de la culpabilité et du “et si…”
Il est facile de refaire l’histoire et de se demander ce qui aurait pu être différent. Mais ruminer le passé ne permet pas d’avancer. Acceptez que certaines choses échappent à votre contrôle et concentrez-vous sur ce que vous pouvez construire maintenant.
5. Se faire accompagner si besoin
Un coach ou un thérapeute peut vous aider à y voir plus clair, à prendre du recul et à avancer plus sereinement.
Quels changements espérez-vous voir à l'avenir dans l'approche de la séparation familiale, et comment votre travail et votre podcast contribuent-ils à ces nouvelles perspectives ?
Aujourd’hui, la séparation est encore trop souvent perçue comme un échec, comme la fin d’un projet qui n’a pas abouti. Ce regard culpabilisant pèse sur ceux qui se séparent, les enfermant dans la honte, la tristesse ou la peur du jugement. Pourtant, une séparation n’est pas forcément un drame. Elle peut être un nouveau départ, une transition vers une vie plus alignée avec soi-même et ses besoins.
J’espère que, dans l’avenir, nous apprendrons à voir la séparation autrement :
• Comme une évolution naturelle de la vie : Toutes les relations ne sont pas destinées à durer éternellement, et c’est parfois en se séparant que chacun retrouve un équilibre plus sain.
• Comme un acte de courage : Quitter une relation qui ne nous épanouit plus, c’est choisir d’être en accord avec soi-même plutôt que de rester par peur ou par convention.
• Comme une opportunité de reconstruction : Une séparation est une chance de redéfinir son avenir, de grandir et de créer une nouvelle dynamique familiale plus apaisée.
En changeant notre perception, nous pourrons aussi mieux accompagner les enfants, en leur montrant qu’une famille peut évoluer sans se briser. Il ne s’agit pas de minimiser la douleur, mais de donner du sens à cette transition, pour la vivre avec plus de sérénité et moins de culpabilité.
Pour plus d'informations : https://open.spotify.com/show/1lURyHNXeYSj9ppvZFoyb9?si=GhrvvKjvRH6ScKU7_U7M8Q